© Ergy Landau

Ergy Landau
à livres ouverts

Membre fondateur de l’agence photographique Rapho en 1933 mais aujourd’hui méconnue, Ergy Landau (1896-1967) fait partie de cette diaspora hongroise dont sont issues certaines des principales figures de la photographie du XXe siècle (André Kertesz et László Moholy-Nagy, entre autres). Côtoyant Brassaï, proche de Nora Dumas et d’Ylla, elle appartient à cette génération de femmes artistes qui ont fait l’histoire de la photographie et de ses rapports avec l’univers de l’imprimé.

Ergy Landau à livres ouverts : un tel titre signe un parti pris. Il met l’accent sur un mode de diffusion de la photographie que les expositions consacrées à des photographes minorent encore trop souvent, alors même que l’imprimé – revues, magazines, livres… – constitue l’un des principaux vecteurs de diffusion de la photographie.

Issue des archives personnelles de la photographe, ainsi que les principales publications auxquelles Ergy Landau a contribué, cette exposition dévoile diverses facettes de sa relation avec la littérature, plus particulièrement avec le livre et les publications imprimées.

Qu’il s’agisse d’illustrer des articles de magazines, de concevoir des livres pour enfants, de contribuer à des portraits de pays ou de photographier des écrivains, une part conséquente du travail de la photographe s’est constituée en dialogue avec les textes d’écrivains. Ergy Landau à livres ouverts vise à faire redécouvrir cette œuvre en documentant et en donnant à voir ce versant décisif de son travail.

Devenir Ergy


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Née le 19 juin 1896 à Budapest, Erszi Landau est une jeune fille de la bourgeoisie aisée. Très tôt, elle est encouragée à développer ses goûts littéraires et artistiques. Sa préférence la porte finalement vers la photographie. La jeune femme y trouve un moyen d’affirmer son indépendance, en adoptant un métier alors en plein essor.

Erszi Landau suit une formation professionnelle à Vienne, dans le studio de Franz Xaver Setzer, puis à Berlin dans le studio Duhrkoop. De retour en Hongrie, elle ouvre un studio quai Jozsef Ferenc, fréquente les milieux de l’avant-garde artistique, se lie d’amitié avec le couple Moholy-Nagy. C’est à leur contact qu’elle évolue, d’une prédilection pour le portrait vers les motifs chers à la Nouvelle Vision.

En 1923, elle s’installe à Paris, comme plusieurs de ses compatriotes forcés à l’exil par un contexte politique agité. Elle ouvre un studio, 17 rue Lauriston, où se presseront d’autres membres de l’émigration hongroise hongroise, parmi lesquels Brassaï et Kertész,…

Celle qui a depuis peu changé son nom en Ergy accède peu à peu à la notoriété. Ses clichés sont ainsi présentés lors d’expositions majeures de photographies de l’avant-garde européenne, parmi lesquelles la célèbre Film und Foto, organisée en 1929 à Stuttgart.

s.d. Tirées d’un album familial, ces photographies rassemblent les membres de la famille Landau. Sur la première, Erszi figure à gauche.

Erszi Landau, s.d. Portraits ovale et en pied d’une jeune fille de bonne famille.

Photo d’une cascade datant de 1915 et signée « LandauErszi ». Photographiée en sfumato, elle relève encore du pictorialisme qui constitue l’un des principaux courants de la photographie d’art à cette époque.

« Gare Saint-Lazare » 1932. Flâneries dans l’espace urbain, nouveau regard sur ce qui nous entoure, tels sont les nouveaux motifs iconographiques pour les photographes de la Nouvelle Vision, dont Walter Benjamin résume ainsi la finalité : « Sauver l'aura du réel, comme l'eau du navire qui sombre ».

La chaise, s.d.

« Avant 1928 ». Son style fait écrire à Jacques Guenne, en décembre 1933 : « C’est cette connaissance de la puissance créatrice de la lumière qui permet à Ergy Landau, dans son art, d’atteindre à cette richesse formelle qui caractérise sa manière ».

Paris soir, 10 mars 1930, « Nouvelles des Arts ». Le 14 mars 1930, elle expose à la Galerie d’Art contemporain, aux côtés de « photographes d’aujourd’hui », parmi lesquels Man Ray et Moholy-Nagy. Dans les années 30, si Paris est la capitale de la photographie, ce sont les galeries parisiennes qui assurent la promotion de la nouvelle photographie, en organisant des expositions monographiques, collectives ou thématiques. Il faut attendre 1936 pour que soit organisée une exposition au Pavillon de Marsan, dans une aile du Musée du Louvre.

Journal L’Intransigeant, 13 /07/1934,
article « L’exposition de la société des artistes photographes », article de Jacques Guenne
Cette exposition a lieu au Studio St Jacques. La société des artistes photographes compte Laure Albin Guillot, André Kertesz, François Kollar, Germaine Krull, ses élèves Nora Dumas Ylla, et Emmanuel Sougez, Tabar et Zuber… « Elle n’entend ailleurs que de vrais artistes en possession d’une technique impeccable… ». Leur but est d’« Organiser des expositions, de défendre leurs intérêts, car les agences de photographes n’existent pas encore, de constituer des archives ».

Revue Mobilier et décoration, 1936,
« Exposition des Dix »
À l’occasion de cette exposition organisée à la galerie Jules Leleu à l’initiative de la revue L’Art Vivant, Ergy Landau expose aux côtés de Boucher, Brassaï, Dumas, Kertész, Kollar, Tabard, Schall, Ylla, Zuber. Chacun des photographes a envoyé dix photographies, consacrées à un genre (études de paysages, portraits, nature-morte, nu, animaux). Ergy Landau opte pour des portraits d’enfants, qui deviendront l’un de ses sujets de prédilection.

Portraits d’enfants


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À côté de ses photographies d’objets du quotidien, Ergy propose de nouvelles images de l’enfance. Ses carnets contiennent des listes impressionnantes de clichés d’enfants de la bonne société parisienne, photographiés au Studio Landau ou chez eux, surpris dans les moments de leur vie quotidienne, à table, au bain, ou en famille. Loin de poser un regard toujours émerveillé sur ses sujets, la photographe n’hésite pas à fixer leurs bouderies et leurs pleurs.

Dans les années 30, l’enfant est au centre des préoccupations des adultes, nostalgiques des temps heureux, des temps de l’innocence, éloignés de la brutalité des hommes. Mais l’image de l’enfant est aussi un formidable moyen de vendre, ce dont les publicitaires se rendent vite compte. Ses clichés d’enfants circulent donc, des articles de revues aux publicités, des albums de photographies aux manuels techniques destinés à l’apprentissage du médium.

Ergy Landau dans son atelier, s.d. Le temps des poses figées est révolu. En jouant avec ses modèles, Ergy Landau cherche à fixer la vie et le mouvement.

Page extraite d’un carnet d’Ergy Landau « Enfants dans la cuisine », « Enfants aux Tuileries », « Enfants jouant au Trocadéro », les carnets d’ Ergy Landau contiennent de longues listes de photographies d’enfants. Régulièrement, ils sont photographiés avec leur mère, dans un éloge de la maternité.

Fillette, 1932.

s.d.

Bébé au sourire, s.d.

Magazine VU, décembre 1932. « La première insomnie ou l’attente du père noël ». Baptisée « Nativité », cette photographie illustre un article consacré aux bébés, à la Noël 1932. Elle sera régulièrement reproduite, faisant la une de la revue l’Art vivant en 1933, accompagnant un numéro de la revue Mieux Vivre en 1936 et l’ouvrage Enfants. Elle est également lors l’exposition de la Société des artistes photographes organisée au studio St Jacques. « Madame Ergy Landau a envoyé une charmante image qui évoque la nativité : un enfant nu dont les cheveux d’or, par la magie de la lumière, ont un rayonnement divin », note à cette occasion L’intransigeant, le 13 juillet 1934.

Magazine VU, juin 1932. « Sexologie problème vital ». Cette photographie figure en outre sur la couverture du livre Enfants.

Magazine VU, décembre 1936. « Je veux un joli cadeau, avant… après ». « Et voici le sourire d’enfant, le plus beau cadeau des parents ». Cette série figure également dans l’ouvrage Comment photographier les enfants ?

Magazine VU, juin 1937. « Le plus beau joujou, le meilleur camarade ». Deux photo d’ Ergy Landau accompagnent cet article à visée promotionnelle avec pour légende « Les enfants s’amusent » et « Le compagnon des heures tristes ».

Magazine VU, noël 1937. « Le petit Noël des misérables » : « Tous les petits enfants de France trouveront-ils au matin de Noël leurs souliers pleins de joujoux ? Hélas ! ». Cette photographie figure en outre dans le livre Enfants.

Deux pages de la revue Mieux Vivre éditée par les laboratoires Fluxine 1936, « L’enfant ». De nombreux laboratoires pharmaceutiques éditent à cette époque des revues mêlant art photographique et publicité. Ergy Landau participera à plusieurs numéros de la revue Mieux Vivre, dont celui-ci, consacré à l’enfance.

Regards, 17 mars 1938. « Claudine prend son bain » : « Savonnage, brossage, un pétale de mousse sur le sein, des fronces dans sa peau douce comme une souple robe. Le bain est fini. Claudine en petite tenue se lave les dents. Même cela peut-être charmant ».

Intérieur d’école, non daté.

Plays and Toys in nursery years, London, Country Life, Ltd, New York, Viking Press, 1938, 82 p. En 1938, Ergy propose à la pédagogue anglaise Béatrix Tudor-Hart de l’école Fortis Green une collaboration. Ensemble, elles réalisent cet ouvrage pédagogique illustré de photographies d’enfants prises durant leurs activités et de matériel éducatif.

Enfants, préface de Marcel Aymé, O.E.T, 1936, 50 p. « Ce qui m’étonne le plus devant tous ces visages d’enfants, ce n’est ni la joie, ni la colère, ni la tristesse, qu’expriment les uns ou les autres, mais, sous ces masques divers, les traits essentiels, permanents, qui annoncent déjà le caractère de l’homme ». Ainsi Marcel Aymé présente-t-il cette compilation de photographies déjà parues dans la presse dont il signe la préface.

Comment photographier les enfants, Hélène Natkin, éditions L’éclaireur de Nice, 1942, 76 pages. Le grand public s’intéresse de plus en plus à la pratique photographique et les éditeurs s’efforcent de répondre à cette attente. Cet ouvrage, écrit par l’épouse de Marcel Natkin, photographe et auteur de manuels techniques, se présente comme un « recueil suggestif d’images enfantines, apportant aux photographes des idées pour varier ses clichés ».

Le livre d’enfants


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Photographe d’enfants en vue, il était tout naturel pour Ergy de se tourner vers les publications qui leur sont destinées. À travers les deux ouvrages auxquels elle contribue, elle touche une veine à travers laquelle son élève et amie Ylla, à partir des années 40, connaît le succès des deux côtés de l’Atlantique.

En 1957, Ergy Landau collabore avec Maurice Genevoix pour publier Le Petit Chat, chez Arts et Métiers Graphiques. 27 photographies sont sélectionnées pour cet ouvrage, dont le texte, plein d’humour, raconte à la première personne la vie de Pussy, un chaton siamois.

La même année, elle publie Horoldamba le petit Mongol chez Calmann-Lévy, avec la complicité d’Yves Bonnieux, pseudonyme de l’épouse de l’écrivain Yves Farge. Les photographies ont été réalisées lors de son voyage en Chine à l’automne 1954 et contribuent au récit de la vie d’un jeune enfant Mongol. Le livre s’inscrit dans ces réalisations de l’après-guerre destinées à faire connaître aux jeunes lecteurs français la vie d’enfants d’autres contrées.

Lettre d’Ergy Landau à Albert Mermoud, 11 mars 1957, archives de la Guilde du Livre, Lausanne. Ergy adresse d’abord ses photographies à Albert Mermoud, le directeur de la Guilde du livre, chez qui elle vient de publier Aujourd’hui la Chine. « Vous savez que j’ai fait un voyage en Mongolie extérieure et en Chine, à la frontière du Tibet, d’où j’ai ramené de nombreux documents absolument uniques, sur la vie des nomades, une série de la vie d’un enfant mongol. […] Je ne sais pas si ce travail peut vous intéresser mais je tiens cependant à ce que vous soyez le premier éditeur à connaître ».

Liste des photographies, avec taille et indication de la page pour le livre sur la Mongolie, s.d. À en croire ce document de travail, Ergy aurait manifestement souhaité inclure des photographies en couleurs, mais l’ouvrage sera entièrement réalisé en noir et blanc.

Photographies de Mongolie, 1954. Les photographies réalisées vont être ordonnées dans l’espace de la page de façon à créer un enchaînement narratif. Les personnes photographiées sont rebaptisées, accédant au statut de personnages de fiction à part entière. Ainsi, « Homme en Mongolie » devient « Yanjib le chasseur de renards ».

Horoldamba le petit Mongol, Texte de Yves Bonnieux, Calmann-Lévy, 1957 (feuilletage du livre) L’ouvrage narre les vacances d’un jeune Mongol auprès de sa famille, avant le retour au collège. Un jour, son poulain disparaît, entraîné vers les steppes lointaines par des chevaux sauvages. On suit la vie de l’enfant entre dressage des animaux, montage des yourtes, fêtes locales, jeux d’enfants et rêves.

Le Petit Chat, texte de Maurice Genevoix, Arts et Métiers Graphiques, 1957 (feuilletage du livre), Archives Maurice Genevoix Il est probable que Maurice Genevoix a réalisé le texte à la demande de l’éditeur, à partir d’une sélection faite dans les photographies de chats d’Ergy.

Photographies de chats, 1956.

Ylla, s.d. Comme beaucoup d’autres photographes, Ylla a rejoint Paris, capitale de la photographie. Née en Autriche en 1911, elle a grandi à Budapest, s’est formée à Belgrade, avant de rejoindre Paris dans les années 30 et de travailler au studio Landau comme assistante. Les deux jeunes femmes nouent une amitié indéfectible rompue par le décès accidentel d’Ylla en 1955.

Regards, 1/11/46 « Ylla, notre envoyée spéciale chez les bêtes » Ylla s’est rapidement spécialisée dans la photographie animalière et ses clichés d’animaux domestiques et sauvages ont illustré nombre d’articles de magazines et des livres pour enfants. Les multiples aventures et prises de risques de la « Kipling » de la photographie lui assurent une notoriété internationale.

Le nu photographique


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Comme Gertrude Käsebier, Imogen Cunningham, Man Ray, Dora Maar, Germaine Krull et Laure Albin Guillot, Ergy Landau explore, dans les années 1920-30, le genre du nu photographique. Connue pour ses publicités d’objets (tels des pneus Michelin, des bobines de fils ou de médicaments), elle fait siens les codes esthétiques du nu pictural en privilégiant, comme les peintres et les photographes du XIXe siècle et du tout début du XXe siècle le corps féminin, dans diverses poses et postures.

Propice à la libération des mœurs, l’entre-deux-guerres est synonyme d’un regard nouveau sur le corps, ainsi que sur les modalités de sa figuration à travers l’appareil photographique. Tantôt immobilisé dans un paysage champêtre, tantôt placé en studio devant l’objectif, le corps est présenté sous différents angles de vue : plan d’ensemble, gros plan, jeux d’ombre et de distorsion sont explorés par les photographes de la Nouvelle Vision, courant dont Ergy Landau se rapproche à plusieurs titres.

Les nus de Landau font souvent partie d’une démarche photographique qui s’inscrit dans un projet de groupe plus large, que ce soit pour une exposition ou pour la publication d’un album thématique. Mais il existe aussi un certain nombre de nus fixés sur la pellicule de façon plus personnelle, et qui misent sur la beauté du corps féminin en esthétisant dans des décors intérieurs ou extérieurs, naturels ou abstraits.

Femme au tub, avant 1928. Ergy Landau pose son regard sur une pratique propre à l’intimité des femmes, soit l’épilation. L’entrecroisement des jambes sur lesquelles se placent les bras crée un joli motif géométrique tout en accentuant le naturel de la scène.

Avant le bain, avant 1938. Se savonner mutuellement avant le bain, dans un décor des plus naturels, n’est-ce pas une idée formidable avant de se baigner dans le lac ? Landau capte ici un instant précis de l’intimité entre deux femmes, loin de toute pose devant l’objectif de la photographe.

Le magazine Mieux vivre, placé dans les salles d’attente des cabinets médicaux, accueille en 1938 ce nu d’Ergy Landau afin d’évoquer l’idée de pose du modèle et celle du travail en studio. Les explications sur « La photographie » (titre du numéro de mai 1938) sont signées Emmanuel Sougez, l’un des représentants de la Nouvelle Vision en France.

Deux nus sur le plongeoir, vers 1932. Le nu placé dans un décor naturel fait partie des spécificités de ce genre photographique. On ignore l’identité des deux jeunes baigneuses (l’une des deux pourrait bien être Nora Dumas) qui s’apprêtent à se rafraîchir dans le lac.

Ylla à Moisson, 1932. D’abord sa disciple, puis son assistante et surtout son amie, Camilla Koffler alias Ylla expose son corps devant l’objectif de la « maîtresse ». Le cadrage de la photographie propose une focalisation sur le torse du modèle qui reste a priori sans identité propre pour le spectateur non initié. Bon nombre de nus photographiques font abstraction du visage du sujet qui pose afin de faire passer à l’avant-plan la corporalité.

Nora Dumas, Nu, 1936. Nora Dumas, autre élève d’Ergy Landau, publie en décembre 1936 un nu dans la revue Le Point, dans un dossier spécial consacré à la photographie. Il s’agit peut-être d’Assia Granatouroff, célèbre modèle des années 30, qu’Ergy Landau et Nora Dumas photographient à de nombreuses reprises.

Nu de dos dans l’arbre, avant 1938. Il s’agit d’une prise de vue pudique mettant en scène une femme qui s’amuse à grimper dans l’arbre. Le nu s'intègre tout naturellement aux branches dont l’une semble trancher le dos en diagonale grâce à un jeu d’ombre. Montrer le modèle de dos enlève tout soupçon de voyeurisme… Le spectateur s’interroge toutefois sur la raison d’être du modèle au milieu des branches.

La revue Art et décoration publie en 1936, dans un dossier intitulé « Images photographiques », le Nu de dos par Ergy Landau qui montre son modèle dans une pose peu naturelle mais qui joue avec celle que pourrait prendre une lanceuse de javelot. Paul Gilson commente l’exposition photographique du Musée des arts décoratifs, organisée au pavillon de Marsan.

Torse nu aux cernes, 1933. C’est sans doute l’une des figurations les plus esthétiques d’un nu féminin, réalisées par Ergy Landau au début des années 1930. La proximité avec Electricity (1931) de Man Ray est visible. Aux rayons électriques, Landau préfère les rayons de soleil qui dessinent des cernes sur le torse.

La Beauté de la Femme. Album du premier Salon International du Nu photographique - Paris 1933 Le premier Salon international du nu photographique organisé par Daniel Masclé et placé sous le signe de La Beauté de la Femme affiche la présence d’Ergy Landau, de Laure Albin-Guillot, de László Moholy-Nagy et de Man Ray, entre autres.

Deux ans plus tard, ses nus figurent dans Formes nues (1935), à côté de ceux de Brassaï, de Nora Dumas, de Florence Henri, de Dora Maar, de František Dritikol, de Georges Saad, et de Raoul Hausmann.

Publié aux éditions Arts et métiers graphiques, le portfolio 28 études de nus (1936) révèle 24 planches de nus féminins, parmi lesquels se trouvent des nus d’Ergy Landau et de plusieurs de ses contemporains tels Laure Albin-Guillot, Nora Dumas, Andreas Feininger, Man Ray et Willy Zielke…

Après la Seconde Guerre mondiale, le nu photographique connaît un regain d’intérêt : les Éditions du Chêne proposent un portfolio de 24 planches reproduites en héliogravure : Études de nu (1948) comporte des images de Brassaï, de Nora Dumas, de Pierre Jahan, de Liu-Shu-Chang, de Philippe Pottier, de Jeanne Robert et d’Ergy Landau, entre autres.

Portraits d’écrivains


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Les collaborations interartistiques sont nombreuses au sein de ces communautés d’artistes et d’écrivains. Elles donnent lieu à la publication de livres ou à une exposition collective qui prolongent en quelque sorte les liens d’amitié. Ergy Landau, qui évolue davantage au sein d’un cercle de photographes, fréquente régulièrement des écrivains. Rappelons qu’outre les portraits d’écrivains, Landau contribue à Amours de Gaston Criel et Maurice Tabard, publié en 1937, aux éditions de la Hune.

Le portrait d’écrivain est un genre photographique à part entière, depuis les célèbres portraits de Flaubert par Maxime Du Camp et de Baudelaire exécutés successivement par Nadar et Étienne Carjat. Dans les archives d’Ergy Landau sont rassemblés un nombre considérable de ce type de portraits : Arthur Koestler, Charles Vildrac, Luc Durtain, Claude Aveline, Yves Farge, Vercors (Jean Bruller), Paul Valéry, Thomas Mann, Elsa Triolet et Jean-Paul Sartre ont été immortalisés par la photographe.

Deux portraits seulement correspondant à l’image que l’on se fait traditionnellement de l’écrivain : doté d’un outil d’écriture (la plume comme métonymie est mise en évidence), la photographe fait arrêt sur image au moment où l’écrivain est en train d’écrire un livre, ou alors le montre plongé dans ses lectures. C’est ainsi que sont représentés Claude Aveline et Paul Valéry. Les autres écrivains prennent des poses naturelles, parfois même décontractées.

En avril-mai 1961, Ergy Landau présente huit portraits d’écrivain au Salon international du portrait photographique, à la Bibliothèque Nationale de France, dont celui de Paul Valéry. Même si plusieurs de ces clichés sont difficiles à dater, les portraits d’écrivain que nous a laissés Landau témoignent de l’évolution de sa pratique photographique, du portrait classique du milieu des années 1920 aux représentations des auteurs au naturel, dans l’après-guerre.

Ergy Landau lisant, s.d.

Photographie d’un écolier, réalisée par Ergy Landau et parue en décembre 1938 dans le dossier « Écrire » du magazine Mieux vivre, sous la direction artistique de George Besson.

Carnet de la photographe mentionnant une prise de vue d’Elsa Triolet, s.d.

Vercors, s.d. Pseudonyme à partir de 1942 de l’écrivain, illustrateur et fondateur des éditions de Minuit (1941), Jean Marcel Bruller, Vercors mentionne Ergy Landau dans ses Mémoires pour la participation de cette dernière à la revue Allô Paris dans les années 1930. Il y note également qu’il connaît bien Charles Vildrac, Luc Durtain, Claude Aveline et Yves Farges, tous photographiés par Landau.

s.d. Planche contact contenant 13 portraits de Vercors en mode privé, très décontracté devant l’appareil photographique.

Claude Aveline, 1949-1950 (datation selon le carnet d’Ergy). Il existe un portrait de Valéry et d’Aveline réalisé par Ergy Landau en 1925. Éditeur de Paul Valéry, entre autres, l’écrivain-essayiste Aveline (pseudonyme d’Evgen Avtsine) est le plus jeune éditeur de France. Le portrait donne à voir l’écrivain et éditeur dans un moment de pause…

Photographie de Landau, 1928. Claude Aveline et le sculpteur Antoine Bourdelle sont amis, en plus de collaborer sur plusieurs livres.

Arthur Koestler, vers 1950. Landau note dans ses carnets Kochler lorsqu’elle photographie l’écrivain. Plusieurs portraits témoignent d’une amitié intime puisque d’autres images le montrent torse nu.
Cette image n’entre nullement dans une iconographie conventionnelle de représentation de l’écrivain.

Yves Farge, s.d. Loin de toute pose, ce portrait donne à voir, grâce à la technique de l’instantané, Yves Farge en pleine discussion avec des amis, en train de préparer une pipe. C’est l’écrivain dans une situation de vie quotidienne tel que la photographie humaniste de l’après-guerre se plaît à fixer des moments précis. Avec l’épouse de Farge, Yves Bonnieux (dont c’est le pseudonyme), Ergy Landau co-réalise un livre pour enfants, Horoldamba (1957).

s.d. Planche contact qui permet de voir Farge dans diverses situations quotidiennes.

Charles Vildrac, pseudonyme de Charles Messager, s.d. L’auteur rédige la préface du magazine Mieux vivre portant sur « Enfant » (1936).
Sur la photographie prise par Landau, l’écrivain, qui est aussi connu pour ses talents de pédagogue libertaire, affiche des airs sérieux. Son allure quelque peu austère le rapproche ici davantage d’un homme Troisième République.

Andrée Chedid et sa fille Michèle, s.d. Photographiée de nombreuses fois, l’écrivaine d’origine égyptienne est représentée dans une posture maternelle, comme en témoignent également d’autres images la montrant avec son fils Louis dans ses bras.

Paul Valéry, 1925. Le fonds Ergy Landau ne nous révèle le portrait de Valéry qu’en négatif, sur une plaque de verre. Existe-t-il des tirages de l’illustre homme de lettres qui auraient circulé dans les milieux littéraires des années 1920 ? On l’ignore faute de traces. Mais de toute évidence, il s’agit dans ce cas précis d’un portrait d’écrivain selon les codes de sa représentation : le poète est assis à sa table de travail, en train d’écrire.

Luc Durtain, s.d. Ami intime de Charles Vildrac avec lequel il fait plusieurs voyages, le médecin français se convertit en poète, romancier et auteur dramatique. Comme Paul Valéry, Durtain fait lui aussi l’objet d’une figuration convenue de l’écrivain pris dans son activité qui le détermine. Regard posé sur le cahier et stylo plume à la main, il s’adonne à l’écriture.

Salon international du portrait photographique, 1961.

Portraitiste de pays


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Comme de nombreux photographes, Ergy Landau voyage volontiers et, naturellement, photographie les lieux qu’elle découvre, que ceux-ci soient proches (Paris) ou lointains (la Chine). Ergy a ainsi contribué à façonner la représentation de lieux par ses clichés, publiés, tout d’abord, dans des magazines et des revues. Mais ces photographies ont également constitué la matière de publications plus ambitieuses, impliquant des écrivains.

Genre mineur, le portrait de pays a mobilisé de nombreux photographes, au point, dès l’entre-deux-guerres, de leur conférer parfois le statut d’auteurs à part entière. Ergy a contribué à deux d’entre eux, Aujourd’hui la Chine, en tant qu’autrice de l’ensemble des photographies de ce volume paru à La Guilde du livre et, plus modestement, pour deux clichés de La France à livre ouvert, ouvrage publié par Seghers rassemblant des clichés de différents photographes.

Durant les années trente, Ergy confie ses clichés à différentes revues illustrées, telles que Mieux vivre, ou encore Vu, l’une des publications de référence en la matière.

Au début des Trente Glorieuses, l’industrie aéronautique civile se développe fortement, et favorise ainsi l’essor du tourisme de masse et la découverte de contrées plus lointaines qu’auparavant. Dans ce contexte, des compagnies aériennes telles qu’Air France commanditent des revues luxueuses, qui offrent des opportunités de publication aux photographes comme aux écrivains. Ainsi certaines photographies d’Ergy Landau illustrent-elles, en mars 1953, un article de Maurice Genevoix intitulé « L’homme et son paysage ».

Carnet de listes de photos + Négatif de photo au thé & Lettre d’Ergy Landau à Charles Rado l’informant de son projet de voyage en Chine et lui demandant de contacter Life. Effectuant un premier voyage en Chine en 1954, Ergy en ramène des photographies qui seront utilisées pour plusieurs de ses livres. Initialement, Ergy destine ces images prises à l’occasion de ce séjour en Orient à une publication dans Life, à propos de laquelle elle écrit à Charles Rado, hongrois comme elle et fondateur de l’agence Rapho, afin qu’il l’aide dans ses démarches. Celles-ci n’aboutiront pas. Ergy se tourne alors vers Albert Mermoud, directeur de la Guilde du Livre, à Lausanne.

Couverture Aujourd’hui, la Chine, 1955. Dans Aujourd’hui, la Chine, beau volume publié par La Guilde du livre, qui s’était spécialisé après-guerre dans les ouvrages de ce type associant un photographe et un écrivain, Ergy réalise sans doute sa contribution la plus aboutie à l’histoire de la littérature et plus largement du livre de photo. Sur la page de titre, elle apparaît comme le véritable auteur du livre, le nom de Gascar n’apparaissant qu’en second.

Tirages et utilisations de la même photo en vis-à-vis. Dans cet ouvrage, ce sont incontestablement ses images qui tiennent la vedette. En l’espèce, il semble que l’écrivain Pierre Gascar a surtout cherché à proposer un texte qui résonne ou entretienne avec les photographies d’Ergy, qui est à l’origine du volume, une « conversation », comme le suggère Claude Roy à l’entame de son « ouverture » à ce livre.

« Ce livre est d’abord une conversation, conversation entre la plaque sensible où s’inscrit la sensibilité d’Ergy Landau et la page blanche où Pierre Gascar exprime la sienne, entre les images de l’objectif et ces images subjectives que le cœur fixe dans sa secrète chambre noire à lui » (Claude Roy).

La France à livre ouvert / couverture, 1954. Dans La France à livre ouvert, le statut de la photographe n’est plus le même. Cinq de ses photographies sont reprises dans ce livre publié par Pierre Seghers en 1954, parmi celles de nombreux autres photographes de renom, parmi lesquels Robert Doisneau, Willy Ronis ou encore Roger-Violet. Ces images sont publiées à La Guilde du livre en 1950, selon une mode de l’époque popularisée par le succès d’un ouvrage tel que Paris des rêves d’Izis.

La France à livre ouvert « Cette France à livre ouvert, nous l’avons placée entre un art de dire et un art d’aimer, entre un art de voir et un art de vivre. Bien en peine de définir, nous avons choisi de suggérer. / […] [N]ous n’avons conservé que les textes et les photographies qui nous paraissaient répondre, ensemble, à notre propos. Concordance de lieux, analogies dans l’inspiration, dialogues […]. / Tel qu’il vous est offert, cet album […] vous invite à la conversation autant qu’au voyage, au jeu de la mémoire et de l’invention, à travers une France qui se prend aux miroirs » (Pierre Seghers).

Photographie à l’enfant courant. Cette photographie représente Michèle Koltz-Chedid enfant, courant dans une ruelle de Saint Paul de Vence. Ergy était liée avec la famille d’Andrée Chedid, qu’elle a également photographiée avec sa fille.

L’agence Rapho


Continuer la visiteContributeurs et remerciements

Œuvrant pour la reconnaissance de l’art photographique dès les années 30, Ergy Landau fonde avec d’autres photographes de l’entre-deux guerres, Laure Albin-Guillot et Emmanuel Sougez entre autres, la Société des artistes photographes, en 1933. Mais si les photographes sont capables de faire les photos et de défendre leur art, ils ne savent pas toujours vendre leurs clichés.

Charles Rado, émigré juif hongrois à Paris comme Landau, fonde l’agence Rapho en 1933 et rassemble autour de lui Brassaï, Nora Dumas, Ergy Landau et Ylla. Lorsque survient la Seconde Guerre mondiale, il se réfugie aux Etats-Unis et ouvre à New-York, la Rapho-Guillemette Agency. Dans le Paris occupé, Ergy, juive, refuse de porter l’étoile jaune, poursuit ses activités discrètement et vit cachée, tout près du siège de la Gestapo.

Mise en sommeil sous l’occupation, l’agence parisienne, renaît en décembre 1945, à l’initiative d’Ergy Landau, de Raymond Grosset et de Brassaï. Elle devient désormais l’intermédiaire incontournable entre les magazines et les photographes, négocie les contrats, répercute les propositions de reportages, gère et archiver leur travail et œuvre ainsi à la reconnaissance de la photographie. Brassaï, Robert Doisneau, Janine Niepce, Willy Ronis, Ylla en seront membres.

Lorsqu’ Ergy Landau devient handicapée et incapable de poursuivre ses activités professionnelles à la suite d’une chute de bus en 1967, c’est tout naturellement des membres de l’agence Rapho que viendra le soutien financier et moral.

Ergy Landau meurt en 1967 à Paris, dans son appartement de la rue Scheffer.

Rapho, une agence parisienne Ce film, réalisé par Lily et Jean-Pierre Franey en décembre 2017, retrace la naissance et le développement de l’agence Rapho, avec de nombreux témoignages et des extraits d’interviews de Raymond Grosset et Robert Doisneau, notamment.

Premières pages des livres de compte de l’agence Rapho, Décembre 1945 et Janvier 1946. Raymond Grosset, adolescent, rencontre Ergy Landau en 1928, alors qu’il est en vacances chez ses parents. Liés par une profonde amitié, ils collaborent pour relancer l’agence Rapho aussitôt la guerre terminée. Ces premiers feuillets des livres de compte comportent les noms des trois premiers photographes qui confient leurs droits à l’agence, Brassaï, Ergy Landau et Robert Doisneau.

L’agence Rapho, 1955, Cette photographie prise par Robert Doisneau en 1955, témoigne de l’amitié et de la fraternité qui unissent les membres de l’agence. Ergy Landau est ici aux côtés de la photographe Sabine Weiss.

Ampliation de naturalisation accordée à Ergy Landau. Ergy Landau a obtenu sa naturalisation française en 1948, vingt-cinq années après avoir quitté la Hongrie. Ses droits sont désormais défendus par l’agence Gamma-Rapho.

Ergy Landau, s.d. Ergy Landau est l’image de la femme photographe des années 1930, libre, indépendante, engagée dans les combats des photographes pour la reconnaissance de leur art et de leur statut. Elle a su suivre les courants photographiques qui ont traversé le siècle, du pictorialisme à la photographie humaniste, en passant par celui de la Nouvelle Vision. Elle a participé à toutes les grandes expositions de photographies des années 1930 aux années 1950. Elle s’est engagée dans plusieurs genres photographiques, du portrait à la photographie publicitaire, de l’illustration d’œuvres littéraires aux reportages photographiques.

Témoignages

Michèle Chedid, le 8 janvier 2018
« Mes parents connaissaient bien Ergy (Landau) que je voyais régulièrement à la maison. Elle nous a photographiés mon frère Louis et moi. J’ai eu la très grande surprise de me « retrouver » dans l’exposition à la Bibliothèque Richelieu à Paris, courant à St Paul-de-Vence, à l’âge de 5 ans (photo d’Ergy). J’avais 22 ans à sa mort. Elle m’impressionnait beaucoup avec son fume-cigarette et son allure élégante. »

Charles Rado, hommage à Ergy Landau
« The Parisian group of Hungarian photographers (of which Brassaï and Ergy Landau were among the foremost) had a considerable influence in the 30’s and 40’s. They were the first to work with the Reflex cameras and brought a new spontaneity to the profession. »

Kathleen Grosset, raconte la rencontre entre son père et Ergy Landau
« Une année en vacances avec ses parents à la montagne, il rencontre une vieille dame qui devait avoir 30 ans, quand lui devait avoir 13-15, qui photographiait en se penchant sur un drôle d’appareil qui était un Rolleiflex, donc elle regardait dans le cadre. Cette femme était Ergy Landau, donc la photographe hongroise. Ils sont restés très liés toute leur vie. »

Télégramme du 31 mars 1955 d’Ergy Landau à Charles Rado, après la mort d’Ylla
« Désespérée, bouleversée, envoyez détails. Ergy. »